Avant de se tourner définitivement vers 2020, jetons un dernier coup d’œil sur le marché à terme de 2019 dans le secteur du porc pour en tirer quelques leçons. Premièrement 2019 n’aura pas fait exception à la règle avec un marché à terme qui aura offert un potentiel exceptionnel en terme de possibilité de protection des prix. Comme on peut le voir sur le graphique ci-haut, le prix moyen le plus élevé sur les 12 mois de l’année offert par le marché à terme termine l’année à 241.12 $/100 kg contre un prix moyen payé au Québec de 191.39 $/100 kg pour un écart de tout près de 50$/100 kg supplémentaire. Évidemment, c’est une valeur théorique car dans les faits il aurait fallu protéger les prix au sommet à toutes les mois (mission impossible), toutefois, entre ne rien faire et le sommet il y avait une marge de manœuvre exceptionnellement élevée, en fait près de 20$/100 kg de potentiel de plus en 2019 que la moyenne des 5 dernières années qui se situe à 30.87 $/100 kg.
Les sommets pour la plupart des échéances auront été atteints au printemps de 2019 lors de l’envolée du marché à terme qui anticipait alors une demande importante de la Chine au prise avec la PPA. Les premières prévisions de pertes de production pour la Chine faisaient état à l’époque d’une baisse de 20% à 30% soit entre 10% et 15% de la production mondiale alors que la maladie continuait de se propager aux pays voisins. Il n’en fallait donc pas plus pour que le marché à terme s’enflamme en mars et en avril touchant même des niveaux prix au-dessus de ceux de 2014 lors de la crise de la DEP sur certaines échéances en dollar canadien. Ce fut de courte durée car les chinois étaient toujours discret en termes d’achat de porcs américains tandis que le prix du porc en Chine restait à plat. Les joueurs sur le marché à terme n’ont eu d’autres choix que de lâcher prise devant l’évidence ce moment là. Il y aura bien eu quelques rebonds des prix des contrats à terme par la suite mais jamais à la hauteur de ceux du printemps.
Quelles leçons pouvons-nous maintenant en tirer ? La première c’est que 1+1 n’égale pas toujours 2 comme ce fut clairement le cas en 2019 et possiblement dans l’avenir. Le marché anticipait que toutes les pertes de production devaient nécessairement être comblée donnant ainsi des chiffres d’importations chinoises qui donnaient le vertige d’où la hausse de la valeur des contrats sur le marché à terme. Avec la flambée des prix du porc en Chine, la consommation chinoise a connu un net recul éliminant du coup une partie de la demande anticipée. Autre facteur important, le conflit commercial entre les américains et les chinois aura rendu le prix du porc américain peu intéressant pour les acheteur chinois qui devaient ajouter plus de 65% de tarifs à la facture. Les marché européens et brésiliens, de même que le Canada (avant la suspension des exportations en juin) auront profité de la situation pour écouler plus de porcs sur le marché chinois au détriment des américains.
Une autre leçon importante en 2019 en gestion des risques, et qui est toujours d’actualité peu importe le contexte, l’appât du gain. Alors que le marché à terme touchait des sommets printemps dernier, certains espéraient encore mieux et attendaient pour se protéger. La gestion du risque permet d’éliminer le risque lié au prix du marché alors que le fait d’attendre et d’anticiper toujours mieux n’est autre chose que de la spéculation. La spéculation est un pari extrêmement risqué et vient complètement à l’encontre d’une saine gestion des risques. Par exemple, quand on sait que le prix moyen payé au Québec le plus élevé sur une période de 12 mois au cours des 5 dernières années est de 209 $/100 kg et que le marché à terme m’offre de faire la même chose à 20$, 30$ ou 40$/100 kg de mieux,il ne faut clairement plus se poser de questions et agir. Une stratégie de gestion des risques claires permet d’éviter ce genre de situation et permet de se protéger sans poser de questions car nous avons un plan de commercialisation clair. Cela ne signifie pas qu’il ne peut pas arriver à l’occasion que certains ajustements soient nécessaires mais il y a un plan clair qui évite de se poser trop de questions au moment de se protéger et ainsi évité de tomber dans le piège de la spéculation.
Le contexte actuelle me rappelle un peu le scénario de l’an dernier à la même période alors que l’espoir de voir finalement les chinois acheter du porc américain a été ravivé dans un premier temps par l’entente de phase 1 avec les américains et qui selon les termes de cette dernière promettent des achats massifs de denrées agricoles américains dont fait partie le porc. Et en début de semaine, les autorités chinoises ont annoncé des exemptions de tarifs à l’importation sur près de 700 produits américains dont le porc pour les entreprise qui en feront la demande. Sur cette nouvelle, le marché à terme progresse depuis quelques jours et pourraient poursuivre son ascension sur des achats important sont finalement annoncés. De l’autre côté, la production américaine continue de battre des records et si on se fie à la dernière prévision de l’USDA, la seule hausse de la production pourrait permettre de doubler les exportations de 2019 vers la Chine sans créer de fortes pressions sur le prix. Dans ce contexte et à la lumière de ce qui a été dit, allons-nous attendre que les prix touchent des sommets jamais vus avant de se protéger ou plutôt profiter des opportunités en commençant à mettre en place certaines stratégies prévues à notre plan de commercialisation ? À vous d’y répondre, pour ma part la réponse est claire, la spéculation ne peut être une option.